Peu de photos avant Ceuta car elles existent déjà sur le site. Voir 2017 et 2015
Bon, on a fini par mettre le bateau à l’eau. Première date reportée pour cause d’embouts du deuxième étage de barres de flèches un peu mâchurées aux extrémités et rendez-vous suivant annulé pour mistral déchaîné. Finalement j’irai récupérer le double des pièces suspectes chez Vega, au cas où, puisque disposant encore de la voiture qui sera ramenée le soir même par Flo que je récupérerai à la gare d’Arles. Nous quitterons PSL avec soulagement le 29 juin accompagnés de Christian et son fils Roddy que nous poserons à Hyères en deux étapes. Première journée de navigation au prés dans du petit temps et lendemain plus soutenu mais au portant. Bonne nouvelle, le nouveau pilote fait très bien son job. Ces deux jours nous permettrons également d’essayer le nouveau génois.
Ce crochet par Porquerolles sera surtout l’occasion pour Carole de voir son père, toujours à poste sur le Simbalu tel le chevalier noir des Monty Python, malgré une santé vacillante et ses 89 printemps. Le bateau, bien sur, est maintenant géré par sa « jeune » femme et les demi sœurs de Carole. Ces retrouvailles nous offrirons un joli coincement d’ancre dans une natte du mouillage de la Capte particulièrement apprécié par l’équipage du Simbalu au faible tirant d’eau, mais pas par nous.
Traversée sur Minorque
De l’est est prévu pour les prochains jours. Du pas trop fort, puis du très fort, puis du un peu fort. Ça sera effectivement une navigation soutenue. Avec une mer pas bien rangée, mais à la voile avec une arrivée sur Ciudadella. Croisé deux fois le même sous marin. Étrange, on ne comprend pas tout de suite à quoi on a affaire. Relâche, GO, eau, courses, dodo…
Majorque
Pendant que l’apprenti dictateur de notre beau pays relook la loi de programmation militaire nous traversons sur Majorque en un bord de près sur une mer plate. Coup de frayeur quand le vent tombe aux abords de la côte. En remettant le moteur, Carole sent une vibration dans la barre. On s’interroge, une fois, deux fois, trois fois, pour finalement rallier un mouillage à la voile à la vitesse d’un gastéropode sous valium. Inspection des safrans par ma plongeuse préférée. Rien d’anormal. Alors on commence à délirer. Les pires pannes sont envisagées avec remorquage à prix d’or pour notre bourse puisque nous ne sommes pas assurés tout risque. On décide de repartir vers Porto Christo, à quelques milles, au moteur, tout doucement. On verra bien. En fait on ne verra rien car plus de vibration. On monte les tours, toujours rien. Aurions-nous rêvé ? Un truc qui se serait détaché d’un safran avant de mouiller ? Nuit dans la cala Varques, très rouleuse. Au coucher du soleil, des grimpeurs font des traversées au-dessus de l’eau sur du rocher trés déversé. L’un passe, l’autre pas…
Le lendemain départ pour le sud de l’île, au moteur et à la voile puis mouillage aux Salines.
Ibiza
Au matin, avec un vent qui semble favorable, nous partons pour Ibiza. En fait, une traversée laborieuse avec mer pénible et tout au moteur. On franchit la passe qui sépare l’île des fêtard de Formentera en fin de journée pour aller mouiller vers Espalmador. Enfin du plat !
Côte espagnole
Comme les conditions semblent bonnes, on enchaîne avec une étape sur Calpe, au largue et avec du petit temps qui se renforcera le soir en arrivant. Mouillage à l’est du Peñon, nuit pourrie durant laquelle on se fait rouler gravement. Au matin, on craque. Direction le port pour 24 heures de repos, de courses, de lessives, d’eau, de GO malgré des tarifs totalement déraisonnables mais des « servicios » très classe.
Calpe est une ville très laide dédiée à un tourisme de masse. Dommage car le Peñon de Ifach avec ses voies d’escalade pour grimpeurs extra terrestres est magnifique.
Étape sur Torrevieja avec grosse houle et vent portant. Mouillage trés bien abrité dans l’avant port où nous assisterons à la procession nautique de la Virgen del Carmen, patronne des pêcheurs. Fasse qu’elle protège aussi notre embarcation et ses occupants.
Aguillas
Toujours de l’est mais jusqu’à 26 nœuds, nous tirons des bords de largue dans une mer très formée pour passer le cap Palos et rallier Aguillas. Croisé un sous marin devant Carthagène. Décidément, ce doit être la saison.
Cap Gata
Une navigation tout au moteur pour aller à Gata dans la cala Genoves. Nous resterons trois jours en attendant que l’ouest se calme. Ce qui n’est pas pour nous déplaire puisqu’il s’agit d’un des rares sites protégés non urbanisés de la côte espagnole encore autorisé au mouillage. Balade sur les crêtes, visite des fonds sous marins très riches pour Carole qui croisera un mérou. Et une rencontre fort sympatique avec un Français sur un petit bateau qui, néanmoins, va éveiller, au cours de la discussion, une crainte jusque là sommeillante : celle des orques. JP, s’estimant rescapé a préféré rentrer en Méditerranée après son escale à Tanger. Donc, rien d’anecdotique dans cette affaire. Plusieurs sites pointent en temps réel les « interactions » (la novlangue sévit même sur la mer) de ces bestioles qui depuis 2020 ont inventé un nouveau jeu : bouffer les safrans des voiliers. Depuis trois ans, 500 attaques entre Gibraltar et la côte atlantique française particulièrement concentrées sur le Portugal et les abords de Tarifa.
Cela fait réfléchir. Cette réflexion se fera au port d’Almérimar puisque de l’ouest fort est annoncé pour les prochains jours.
Lessives, courses, bricolage sans résultat : le radar ne fonctionne plus, la VHF/AIS est faiblarde (câble ou antenne ou les deux).
Quand aux orques, nous ne savons vraiment pas quelle stratégie adopter. La zone identifiée s’étend maintenant en Méditerranée jusqu’à la baie de Marbella passage obligé pour rejoindre le Rocher. Voir www.orcaiberica.org ou l’appli GT Orcas ainsi que le groupe facebook orcaattackreports.
Comme déjà dit et c’est un choix, nous ne sommes assurés (ni rassurés) qu’au tiers et le prix d’un remorquage ainsi que celui de réparations (safrans en alu) avec destruction éventuelle d’un ou des deux pilotes n’est pas envisageable pour nos finances. Alors quoi faire ? Accepter la roulette russe ? Renoncer et envisager un autre programme ? Ou pourquoi pas passer par le Maroc ? Les attaques y semblent beaucoup moins fréquentes. Mais les formalités fort longues. En revanche, les appréciations de la nouvelle marina sont très positives sur Navily. Et puis, nous ne connaissons pas le Maroc.
Après moult tergiversations, nous allons finalement tenter cette option en traversant sur Ceuta à partir de Fuengirolla.
Mais revenons à Almerimar où, appelons ça le hasard, nous sommes interpellés par un grand gars barbu en descendant sur le quai : « votre bateau, c’est un ovni ? » Non monsieur c’est un Tango, exemplaire unique dont la coque a été construite en Espagne près de Rosas. « Ça ne serait pas chez Pita Yacht le chantier d’Aldo ? » Ben si, vous connaissez ? « Bien sur, je suis soudeur et j’ai travaillé là-bas quelques temps, maintenant j’habite ici ».
Le monde est petit mais d’autres explications sont également possibles. Nous avons forcément beaucoup de choses à nous dire d’autant que JC (même prénom que le mien) possède un voilier entreposé à Navy service à PSLDR (toujours le hasard). Nous apprenons avec tristesse le décès d’Aldo en 2021 puis entamons une discussion que certains qualifierons de « sulfureuse » et dont je ne dévoilerai pas le contenu mais qui nous amène aux mêmes conclusions qui ne siègent pas dans le royaume de l’illusion…
Almenucar
Un peu de moteur puis un bord de près pour rejoindre une anse à l’est d’Almenucar qui semble, sur la carte, un peu protégée de la houle. En fait pas tant que ça. Nuit pas caline et départ matinal dès le lever du jour pour éviter d’éventuels filets.
Fuengirola
Toutomoteur. Nous étions passés par là en 2015 et l’accès à l’avant port demandait de zigzaguer au milieu d’un champs de filets et casiers. Il n’en est plus rien aujourd’hui. Tous les attrape-poissons ont disparu. Par contre, l’endroit s’est converti à la bêtise consumériste, et jet ski, d’ailleurs omniprésents sur toutes côtes de la Grande bleue, parachutes ascensionnels nous font regretter les pièges des pêcheurs. Des « professionnels » sur des voiliers ou des moteurs yacht viennent également mouiller dans l’avant port avec leurs cargaisons de touristes dans une assourdissante diarrhée autotunée qui se veut être de la musique. Les rotations s’enchaînent jusqu’au coucher du soleil. Sans transition, la même merde musicale reprend alors sur terre pour une nouvelle nuit exaltante. Considérations de vieux con ou réalité inquiétante ?
Ceuta
On ne tergiverse pas. 30 milles plein sud puis cap sur Ceuta. Rien que du moteur. Entre courant, cargos et orques potentielles (allez savoir si elles n’ont pas décider d’aller visiter Malaga) la zone n’est pas des plus rassurantes. Traverser le rail n’est pas une mince affaire. D’autant que l’ais voit très bien ces monstres lorsque on les a croisés. Mais pas trop avant.
On arrive tout de même entiers à Ceuta pour jeter l’ancre dans le mouillage sud. Cinq jours de vent d’ouest sont prévus et nous devons attendre pour passer le détroit et rejoindre Tanger. Installés sur une mer qui va et qui vient (parfois durement entre nos reins à cause de la secousse de ces courants de marée), nos oreilles expérimentent la saine compétition entre la suavité métallique de l’Angélus et la lancinante litanie du Mezzuin. En vrai, le paysage est superbe et la ville, installée sur un cap, étonnante avec son canal qui le traverse pour rejoindre le port.
Découverte du nouveau truc qui déconne : le plus ancien des deux panneaux. Le deuxième ayant été ajouté cette année, il eut été très contrariant que ce fusse celui-ci. Le panneau concerné et d’ailleurs totalement défunté, ne datant que de 2019, sa disparition nous met cependant copieusement les boules. Où allons-nous pouvoir le remplacer. Ah, voyager sur les mers, sans bateau et sans vague…
BA du jour. Carole entend gueuler pas très loin du bateau. « vite, viens voir, il y a un mec dans l’eau qui crie (pas chaude la flotte, entre 15 et 17° suivant les marées et les jours). » je ne m’affole pas, on crie beaucoup pour parler dans cette région. Carole insiste, je vais voir et force est de constater que le gars est en train se noyer. Et là, pour de « plustoujeunes » on a été franchement au top : mise à l’eau de l’annexe et installation du moteur (qui était sur son support sur le balcon) en un temps olympique. Cerise sur le gâteau, le dit moteur démarre du premier coup. Alors n’écoutant que mon courage, je fonds sur le futur sauvé des eaux. Je ne dirais pas que le hisser à bord fut chose aisée car le gars tangentait facilement les 120 kilos. Mais la chose fut faite et c’est ainsi que je ramenai sur la plage, via un chenal interdit aux hélices en mouvement, un sympathique jeune homme, surement marocain et dont l’histoire qu’il m’a racontée m’a semblé fort obscure. Mais peu importe.
Faut départ
Une trêve est annoncée entre le coup d’ouest et celui d’est. On espère pouvoir faire les 30 milles jusqu’à Tanger avant la renverse. Le timming avec les marées et les courants semble bon, à huit heures nous levons l’ancre. Enfin, nous essayons. L’ancre est bloquée dans un filet. Carole plonge (10 mètres dans de l’eau toujours à 15 °). L’affaire semble mal engagée. Pas possible de dégager la Delta sans bouteille. Cet élément de sécurité était sur la liste des choses à remplacer ou acquérir… Au bout d’une heure d’essais infructueux, on se résout à chercher une aide extérieure en téléphonant à un club de plongée. En attendant, nous tentons une dernière manœuvre pour nous libérer et, miraculeusement, les derniers mètres de chaîne sont remontés et notre ancre réintègre son davier. Certainement une intervention de nos anges gardiens. Nous remercieront de visu les plongeurs qui devaient nous aider et qui nous doubleront pour rejoindre leur spot de plongée.
Passage du cap, les conditions deviennent très musclées. Vagues très creuses, courtes et de face, des rafales à 34 nœuds. L’hélice semble caviter lorsque le bateau à le cul en l’air. Impossible de naviguer jusqu’à Tanger dans ces conditions. Direction le port de Ceuta et soulagement d’être amarrés quand nous posons le pied sur le quai. Le vent d’ouest soufflera jusqu’en fin de journée pour basculer sans transition dans l’autre sens. Fort et pour au moins cinq jours. Pas facile le détroit en ce moment.
L’occasion de s’imprégner de l’ambiance toute particulière de Ceuta sans avoir le soucis du bateau au mouillage. Cette enclave sur la terre marocaine, dont l’origine est franco-espagnole, a fait le miel des médias quand des milliers de migrants tenterons la nuit du 16 au 17 mai 2021 de forcer la frontière. Cette nuit dramatique laissera derière elle de nombreux blessés mais aussi officiellement deux morts. Le Maroc ne reconnait toujours pas cette enclave sur son territoire.
Colonisée par de multiples envahisseurs, le passé historique de Ceuta n’est pas simple. Aujourd’hui cohabitent Musulmans et Chrétiens ; les mosquées cotoient les cathédrales, les shorts des jeunes espagnoles croisent les voiles des Marocaines. Libre de taxes, Ceuta ravira les amateurs de joailleries, de dental clinical, de boutiques de smartphones et de fringues.
Quant au port : très cher, sanitaires en décomposition (pourtant on est pas difficile) pendilles en vrac et personnel limite antipathique. Caution pour la carte des « servicios » et le l’adaptateur pour la prise 220 V.
En revanche une rencontre avec de sympathiques Américains et un « bœuf » auquel se sont joints des Australiens : répertoire outre atlantique à deux guitares et un banjo avec Shelly au chant. La musique est un merveilleux langage universel.
Tanger
Le coup de vent d’est faiblit, on en profite pour quitter Ceuta. On essaye de rester dans la ligne des vingt mètres pour éviter de mauvaises rencontres avec nos amis épaulards, zig zag entre ferries et cargos, un peu de bouillard pour l’ambiance, des courants acceptables et nous finissons par nous amarrer au ponton d’accueil de Tanja marina Bay. Des formalités pas si pires mais quand même. Une fouille succinte du bateau. La même procédure devra être effectuée pour sortir du territoire. Belle rencontre avec un couple sur un bateau français.